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CORINNE OU L’ITALIE.

Quand la paix serait faite, lui dit lady Edgermond, je ne pense pas, mylord, que vous vous permissiez à vous-même de revoir l’Italie. — Si la santé de mylord l’exigeait, interrompit Lucile, il ferait très-bien d’y aller. — Ce mot parut assez doux à lord Nelvil, et il se hâta d’en témoigner sa reconnaissance à Lucile ; mais cette reconnaissance même la blessa : elle crut y voir le dessein de la préparer au voyage.

La paix se fit au printemps, et le voyage d’Italie devint possible. Chaque fois que lord Nelvil laissait échapper quelques réflexions sur le mauvais état de sa santé, Lucile était combattue entre l’inquiétude qu’elle éprouvait et la crainte que lord Nelvil ne voulut insinuer par-là qu’il devrait passer l’hiver en Italie : et tandis que son sentiment l’aurait portée à s’exagérer la maladie de son époux, la jalousie qui naissait aussi de ce sentiment, l’engageait à chercher des raisons pour atténuer ce que les médecins mêmes disaient du danger qu’il courait en restant en Angleterre. Lord Nelvil attribuait cette conduite de Lucile à l’indifférence et à l’égoïsme, et ils se blessaient réciproquement, parce qu’ils ne s’avouaient pas leurs sentimens avec franchise.

Enfin lady Edgermond tomba dans un état si