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CORINNE OU L’ITALIE.

secret important, et qu’il était assez discret pour le taire. Ses insinuations, qui d’abord n’avaient pas frappé lord Nelvil, réveillèrent son attention dès qu’il crut qu’elles pouvaient avoir quelque rapport avec Corinne ; alors il interrogea vivement le comte d’Erfeuil, qui se défendit assez bien dès qu’il fut parvenu à se faire questionner.

Néanmoins, à la fin, Oswald lui arracha l’histoire entière de Corinne, par le plaisir qu’eut le comte d’Erfeuil à raconter tout ce qu’il avait fait pour elle, la reconnaissance qu’elle lui avait toujours témoignée, l’état affreux d’abandon et de douleur où il l’avait trouvée ; enfin il fit ce récit sans s’apercevoir le moins du monde de l’effet qu’il produisait sur lord Nelvil, et n’ayant d’autre but en ce moment que d’être, comme disent les Anglais, le héros de sa propre histoire. Quand le comte d’Erfeuil eut cessé de parler, il fut vraiment affligé du mal qu’il avait fait. Oswald s’était contenu jusqu’alors ; mais tout à coup il devint comme insensé de douleur : il s’accusait d’être le plus barbare et le plus perfide des hommes, il se représentait le dévouement, la tendresse de Corinne, sa résignation, sa générosité dans le moment même où elle le croyait le plus coupable, et il y opposait la dureté, la légèreté dont il l’avait payée.