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CORINNE OU L’ITALIE.

mais comme il n’entendait plus parler d’elle, il espérait que ce souvenir deviendrait à la fin une chimère, objet seulement de ses vagues regrets.

Lucile, en apprenant par sa mère que sa sœur vivait encore, et quelle était en Italie, avait eu le plus grand désir d’interroger lord Nelvil à son sujet ; mais lady Edgermond le lui avait interdit, et Lucile s’était soumise, selon sa coutume, sans demander le motif de cet ordre. Le matin du jour du mariage, l’image de Corinne se retraça dans le cœur d’Oswald plus vivement que jamais, et il fut effrayé lui-même de l’impression qu’il en recevait. Mais il adressa ses prières à son père ; il lui dit au fond de son cœur que c’était pour lui, que c’était pour obtenir sa bénédiction dans le ciel, qu’il accomplissait sa volonté sur la terre. Raffermi par ces sentimens, il arriva chez lady Edgermond, et se reprocha les torts qu’il avait eus dans sa pensée envers Lucile. Quand il la vit, elle était si charmante, qu’un ange qui serait descendu sur la terre n’aurait pu choisir une autre figure pour donner aux mortels l’idée des vertus célestes. Ils marchèrent à l’autel. La mère avait une émotion plus profonde encore que la fille ; car il s’y mêlait cette crainte que fait éprouver toujours une grande résolution, quelle qu’elle soit, à qui connaît la vie. Lucile n’avait