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sible ; aussi dans la route, tout en aimant Corinne était-il ennuyé de sa tristesse, et il essayait de l’en tirer, comme si, pour oublier tous les chagrins de la vie, il ne fallait que le vouloir. Quelquefois il lui disait : — Je vous l’avais bien dit. Singulière manière de consoler, satisfaction que la vanité se donne aux dépens de la douleur !

Corinne faisait des efforts inouis pour dissimuler ce qu’elle souffrait, car on est honteux des affections fortes devant les ames légères ; un sentiment de pudeur s’attache à tout ce qui n’est pas compris, à tout ce qu’il faut expliquer, à ces secrets de l’ame enfin dont on ne vous soulage qu’en les devinant. Corinne aussi se savait mauvais gré de n’être pas assez reconnaissante des marques de dévouement que lui donnait le comte d’Erfeuil, mais il y avait dans sa voix, dans son accent, dans ses regards, tant de distraction, tant de besoin de s’amuser, qu’on était sans cesse au moment d’oublier ses actions généreuses comme il les oubliait lui-même. Il est sans doute très-noble de mettre peu de prix à ses bonnes actions : mais il pourrait arriver que l’indifférence qu’on témoignerait pour ce qu’on aurait fait de bien, cette indifférence si belle en