Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/372

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
368
CORINNE OU L’ITALIE.

effort dont l’ame de Corinne fût capable, elle tira de son sein la lettre qui contenait l’anneau donné par Oswald, et s’éloigna rapidement. Elle sentait bien qu’en envoyant cette lettre et laissant ignorer à lord Nelvil qu’elle était en Angleterre, elle brisait leurs liens et donnait Oswald à Lucile ; mais, en présence de ce tombeau, les obstacles qui la séparaient de lui s’étaient offerts à sa réflexion avec plus de force que jamais ; elle s’était rappelée les paroles de M. Dickson : son père lui défend d’épouser cette Italienne, et il lui sembla que le sien aussi s’unissait à celui d’Oswald et que l’autorité paternelle tout entière condamnait son amour. L’innocence de Lucile, sa jeunesse, sa pureté exaltaient son imagination, et elle était, un moment du moins, fière de s’immoler pour qu’Oswald fût en paix avec son pays, avec sa famille, avec lui-même.

La musique qu’on entendait en approchant du château soutenait le courage de Corinne. Elle aperçut un pauvre vieillard aveugle qui était assis au pied d’un arbre, écoutant le bruit de la fête. Elle s’avança vers lui en le priant de remettre la lettre qu’elle lui donnait à l’un des gens du château. Ainsi même elle ne courut pas le risque que lord Nelvil pût décou-