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CORINNE OU L’ITALIE.

quelle savait devoir être le lieu où le tombeau de son père avait été élevé, et s’accusant, à son tour, de n’avoir pas commencé par y porter ses regrets et ses larmes, elle suivit sa sœur à quelque distance, se cachant à l’aide des arbres et de l’obscurité. Elle aperçut enfin de loin le sarcophage noir élevé sur la place où les restes de lord Edgermond étaient ensevelis. Une profonde émotion la força de s’arrêter et de s’appuyer contre un arbre. Lucile aussi s’arrêta et se pencha respectueusement à l’aspect du tombeau.

Dans ce moment Corinne était prête à se découvrir à sa sœur, à lui redemander, au nom de leur père, et son rang et son époux, mais Lucile fit quelques pas avec précipitation pour s’approcher du monument, et le courage de Corinne défaillit. Il y a dans le cœur d’une femme tant de timidité réunie à l’impétuosité des sentimens, qu’un rien peut la retenir comme un rien l’entraîner. Lucile se mit à genoux devant la tombe de son père : elle écarta ses blonds cheveux qu’une guirlandes de fleurs tenait rassemblés, et leva les yeux au ciel pour prier avec un regard angélique. Corinne était placée derrière les arbres, et sans pouvoir être découverte, elle voyait facilement sa sœur qu’un