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CORINNE OU L’ITALIE.

rait cessé d’y aller, dès que les intérêts de Corinne ne l’y attiraient plus, si lady Edgermond avait recouvré sa santé. Mais au moment où on la croyait mieux, elle retomba malade de nouveau, plus dangereusement que la première fois ; et si elle était morte dans ce moment, Lucile n’aurait eu à Londres d’autre appui qu’Oswald, puisque sa mère ne formait de relations avec personne.

Lucile ne s’était pas permise un seul mot qui dût faire croire à lord Nelvil qu’elle le préférait ; mais il pouvait le supposer quelquefois par une altération légère et subite dans la couleur de son teint, par des yeux trop promptement baissés, par une respiration plus rapide ; enfin il étudiait le cœur de cette jeune fille avec un intérêt curieux et tendre, et sa complète réserve lui laissait toujours, du doute et de l’incertitude sur la nature de ses sentimens. Le plus haut point de la passion, et l’éloquence qu’elle inspire, ne suffisent pas encore à l’imagination ; on désire toujours quelque chose de plus, et ne pouvant l’obtenir, l’on se refroidit et on se lasse, tandis que la faible lueur qu’on aperçoit à travers les nuages, tient longtemps la curiosité en suspens, et semble promettre dans l’avenir de nouveaux sentimens et des découvertes nouvelles. Cette attente cepen-