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CORINNE OU L’ITALIE.

tait et subjuguaient le monde. Ne vous offensez pas de l’idée que cette comparaison peut suggérer. Sans doute votre fille n’a reçu de vous, n’a trouvé dans son cœur que les principes et les sentimens les plus purs ; mais elle a besoin de plaire, de captiver, de faire effet. Elle a plus de talens encore que d’amour-propre ; mais des talens si rares doivent nécessairement exciter le désir de les développer ; et je ne sais pas quel théâtre peut suffire à cette activité d’esprit, à cette impétuosité d’imagination, à ce caractère ardent enfin qui se fait sentir dans toutes ses paroles ; elle entraînerait nécessairement mon fils hors de l’Angleterre ; car une telle femme ne peut y être heureuse ; et l’Italie seule lui convient.

Il lui faut cette existence indépendante qui n’est soumise qu’à la fantaisie. Notre vie de campagne, nos habitudes domestiques contrarieraient nécessairement tous ses goûts, Un homme né dans notre heureuse patrie doit être Anglais avant tout : il faut qu’il remplisse ses devoirs de citoyen, puisqu’il a le bonheur de l’être ; et dans les pays où les institutions politiques donnent aux hommes des occasions honorables d’agir et de se mon-