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CORINNE OU L’ITALIE.

les regrets et la rêverie, l’existence telle qu’elle est s’empare de nouveau des ames les plus tendres, et leur rend des intérêts, des désirs et des passions. C’est une misérable condition de la nature humaine, que cette nécessité de se distraire, et, bien que la Providence ait voulu que l’homme fût ainsi, pour qu’il pût supporter la mort et pour lui-même et pour les autres, souvent, au milieu de ces distractions, on se sent saisi par le remords d’en être capable, et il semble qu’une voix touchante et résignée nous dise : Vous que j’aimais, m’avez-vous donc oublié ?

Ces sentimens occupaient Oswald en retournant dans sa demeure ; il n’éprouva pas en y revenant alors le même désespoir que la première fois, mais un profond sentiment de tristesse. Il vit que le temps avait accoutumé tout le monde à la perte de celui qu’il pleurait : les domestiques ne croyaient plus devoir prononcer devant lui le nom de son père ; chacun était rentré dans ses occupations habituelles. On avait serré les rangs, et la génération des enfans croissait pour remplacer celle des pères. Oswald alla s’enfermer dans la chambre de son père, où il retrouvait son manteau, sa canne, son fauteuil, tout à la même place ; mais qu’était