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CORINNE OU L’ITALIE.

avait perdu l’idée d’une telle figure et d’une telle expression. Il fut saisi d’un sentiment de respect, il se reprocha vivement de l’avoir abordée avec une sorte de familiarité ; et regagnant le château, lorsqu’il vit que Lucile y était entrée, il rêvait à la pureté céleste d’une jeune fille qui ne s’est jamais éloignée de sa mère, et ne connaît de la vie que la tendresse filiale.

Lady Edgermond était seule quand elle reçut lord Nelvil : il l’avait vue deux fois avec son père quelques années auparavant, mais il l’avait très-peu remarquée alors ; il l’observa cette fois avec attention, pour la comparer au portrait que Corinne lui en avait fait ; il le trouva vrai, à beaucoup d’égards ; mais cependant il lui sembla qu’il y avait dans les regards de lady Edgermond plus de sensibilité que Corinne ne lui en attribuait, et il pensa qu’elle n’avait pas aussi bien que lui l’habitude de deviner les physionomies contenues. Son premier intérêt auprès de lady Edgermond était de la décider à reconnaître Corinne, en annulant tout ce qu’on avait arrangé pour la faire croire morte. Il commença l’entretien en parlant de l’Italie et du plaisir qu’il y avait trouvé. — C’est un séjour amusant pour un homme, répondit lady Edgermond ; mais je serais bien fâchée qu’une