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CORINNE OU L’ITALIE.

sur une chaise en fondant en pleurs, et s’écria : — Suis-je un barbare, Corinne, juste ciel ! Corinne, le crois-tu ? — Non, lui dit-elle, non je ne puis le croire. N’avez-vous pas encore ce regard qui chaque jour me donnait le bonheur ! Oswald, vous dont la présence était pour moi comme un rayon du ciel, se peut-il que je vous craigne, que je n’ose lever les yeux sur vous, que je sois là devant vous comme devant un assassin, Oswald, Oswald ? — Et en achevant ces mots elle tomba suppliante à ses genoux.

— Que vois-je ? s’écria-t-il en la relevant avec fureur, tu veux que je me déshonore. Eh bien, je le ferai. Mon régiment s’embarque dans un mois, je viens d’en recevoir la nouvelle. Je resterai, prends-y garde, je resterai si tu me montres cette douleur, cette douleur toute-puissante sur moi, mais je ne survivrai point à ma honte. — Je ne vous demande point de rester, reprit Corinne, mais quel mal vous fais-je en vous suivant ? — Mon régiment part pour les îles, et il n’est permis à aucun officier d’emmener sa femme avec lui. — Au moins laissez-moi vous accompagner jusques en Angleterre. — Les mêmes lettres que je viens de recevoir, reprit Oswald, m’apprennent que le bruit de notre liaison s’est répandu en Angle-