Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
CORINNE OU L’ITALIE.

cruellement, mais il avait, à travers mille rares qualités, beaucoup de faiblesse et d’irrésolution dans le caractère. Ces défauts sont inaperçus de celui qui les a, et prennent à ses yeux une nouvelle forme dans chaque circonstance : tantôt c’est la prudence, la sensibilité ou la délicatesse qui éloignent le moment de prendre un parti, et prolongent une situation indécise : presque jamais l’on ne sent que c’est le même caractère qui donne à toutes les circonstances le même genre d’inconvénient.

Corinne, cependant, malgré les pensées pénibles qui l’occupaient, reçut une impression profonde par le spectacle dont elle fut témoin. Rien ne parle plus à l’ame en effet que le service divin sur un vaisseau, et la noble simplicité du culte des réformés semble particulièrement adaptée aux sentimens que l’on éprouve alors. Un jeune homme remplissait les fonctions de chapelain ; il prêchait avec une voix ferme et douce, et sa figure avait la sévérité d’une ame pure dans la jeunesse. Cette sévérité porte avec elle une idée de force qui convient à la religion prêchée au milieu des périls de la guerre. À des momens marqués, le ministre anglican prononçait des prières dont toute l’assemblée répétait avec lui les dernières paroles. Ces voix confuses,