Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
252
CORINNE OU L’ITALIE.

Les applaudissemeris des spectateurs étaient si multipliés et si vrais, que leur plaisir se communiquait à Corinne ; elle éprouvait cette sorte d’émotion que cause l’amusement, quand il donne un sentiment vif de l’existence, quand il inspire l’oubli de la destinée, et dégage pour un moment l’esprit de tout lien, comme de tout nuage. Oswald avait vu Corinne représenter la plus profonde douleur dans un temps où il se flattait de la rendre heureuse : il la voyait maintenant exprimer une joie sans mélange, quand il venait de recevoir une nouvelle bien fatale pour tous deux. Plusieurs fois il eut la pensée d’arracher Corinne à cette gaieté téméraire ; mais il goûtait un triste plaisir à voir encore quelques instans sur cet aimable visage la brillante expression du bonheur.

À la fin de la pièce Corinne parut élégamment habillée en reine amazone ; elle commandait aux hommes, et déjà presqu’aux élémens, par cette confiance dans ses charmes qu’une belle personne peut avoir quand elle n’est pas sensible ; car il suffit d’aimer pour qu’aucun don de la nature ou du sort ne puisse rassurer entièrement. Mais cette souveraine coquette, cette fée couronnée que représentait Corinne, mêlant d’une façon toute merveilleuse la colère à la