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CORINNE OU L’ITALIE.

devait être jouée. Tout le monde y était rassemblé ; Oswald seul n’était pas encore arrivé. Corinne retarda tant qu’elle le put le spectacle, et commençait à s’inquiéter de son absence. Enfin, comme elle entrait sur le théâtre, elle l’aperçut dans un coin très-obscur du salon ; mais enfin elle l’aperçut ; et la peine même que lui avait causée l’attente, redoublant sa joie, elle fut inspirée par la gaieté, comme elle l’était au Capitole par l’enthousiasme.

Le chant et les paroles étaient entremêlés, et la pièce était faite de manière qu’il était permis d’improviser le dialogue ; ce qui donnait à Corinne un grand avantage, et rendait la scène plus animée. Lorsqu’elle chantait, elle faisait sentir l’esprit des airs bouffes italiens avec une élégance particulière. Ses gestes, accompagnés par la musique, étaient comiques et nobles tout à la fois ; elle faisait rire sans cesser d’être imposante, et son rôle et son talent dominaient les acteurs et les spectateurs, en se moquant avec grâce des uns et des autres.

Ah ! qui n’aurait pas eu pitié de ce spectacle, si l’on avait su que ce bonheur si confiant allait attirer la foudre, et que cette gaieté si triomphante ferait bientôt place aux plus amères douleurs !