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CORINNE OU L’ITALIE.

grande indifférence. Corinne, pour lui plaire, cherchait à cet égard à l’imiter, et commençait à dédaigner ses propres succès littéraires, afin de ressembler davantage aux femmes modestes et retirées dont la patrie d’Oswald offrait le modèle.

Cependant les hommages que Corinne reçut à Venise ne firent à lord Nelvil qu’une impression agréable. Il y avait tant de bienveillance dans l’accueil des Vénitiens ; ils exprimaient avec tant de grâce et de vivacité le plaisir qu’ils trouvaient dans l’entretien de Corinne, qu’Oswald jouissait vivement d’être aimé par une femme d’un charme si séducteur et si généralement admiré. Il n’était plus jaloux de la gloire de Corinne, certain qu’il était qu’elle le préférait à tout, et son amour semblait encore augmenté par ce qu’il entendait dire d’elle. Il oubliait même l’Angleterre, il prenait quelque chose de l’insouciance des Italiens sur l’avenir. Corinne s’apercevait de ce changement, et son cœur imprudent en jouissait, comme s’il avait pu durer toujours.

L’italien est la seule langue de l’Europe dont les dialectes différens aient un génie à part. On peut faire des vers et écrire des livres dans chacun de ces dialectes, qui s’écartent plus ou