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CORINNE OU L’ITALIE.

sionne, et cependant on voit qu’il est au fond parfaitement tranquille ; et l’on pourrait lui dire comme Sapho à la Bacchante qui s’agitait de sang-froid : Bacchante, qui n’es pas ivre, que me veux-tu ? Néanmoins la pantomime animée des habitans du midi ne donne pas l’idée de l’affectation : c’est une habitude singulière qui leur a été transmise par les Romains, aussi grands gesticulateurs ; elle tient à leur disposition vive, brillante et poétique.

L’imagination d’un peuple captivé par les plaisirs était facilement effrayée par le prestige de puissance dont le gouvernement vénitien était environné. L’on ne voyait jamais un soldat à Venise ; on courait au spectacle quand par hasard dans les comédies on en faisait paraître un avec un tambour ; mais il suffisait que le sbire de l’inquisition d’état., portant un ducat sur son bonnet, se montrât, pour faire rentrer dans l’ordre trente mille hommes rassemblés un jour de fête publique. Ce serait une belle chose si ce simple pouvoir venait du respect pour la loi, mais il était fortifié par la terreur des mesures secrètes qu’employait le gouvernement pour maintenir le repos dans l’état. Les prisons (chose unique) étaient dans le palais même du Doge ; il y en avait au-dessus et au-dessous de son