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CORINNE OU L’ITALIE.


CHAPITRE VII.


ON s’embarque sur la Brenta pour arriver à Venise, et des deux côtés du canal on voit les palais des Vénitiens, grands et un peu délabrés comme la magnificence italienne. Ils sont ornés d’une manière bizarre et qui ne rappelle en rien le goût antique. L’architecture vénitienne se ressent du commerce avec l’Orient ; c’est un mélange du goût moresque et gothique qui attire la curiosité sans plaire à l’imagination. Le peuplier, cet arbre régulier comme l’architecture, borde le canal presque partout. Le ciel est d’un bleu vif qui contraste avec le vert éclatant de la campagne ; ce vert est entretenu par l’abondance excessive des eaux : le ciel et la terre sont ainsi de deux couleurs si fortement tranchées, que cette nature elle-même a l’air d’être arrangée avec une sorte d’apprêt ; et l’on n’y trouve point le vague mystérieux qui fait aimer le midi de l’Italie. L’aspect de Venise est plus étonnant