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CORINNE OU L’ITALIE.

À ce moment, tout le peuple qui, en Italie, est si mobile et si enthousiaste, se prosterna devant lui, et Corinne, involontairement, plia le genoux en lui présentant la couronne. Lord Nelvil, à cette vue, fut tellement troublé, que, ne pouvant supporter plus long-temps cette scène publique et l’hommage que lui rendait celle qu’il adorait, il l’entraîna loin de la foule avec lui.

En partant, Corinne, baignée de larmes, remercia tous les bons habitans d’Ancone qui les accompagnaient de leurs bénédictions, tandis qu’Oswald se cachait dans le fond de la voiture, et répétait sans cesse : — Corinne à mes genoux ! Corinne, sur les traces de laquelle je voudrais me prosterner ! Ai-je mérité cet outrage ? Me croyez-vous l’indigne orgueil … — Non, sans doute, interrompit Corinne ; mais j’ai été saisie tout à coup par ce sentiment de respect qu’une femme éprouve toujours pour l’homme qu’elle aime. Les hommages extérieurs sont dirigés vers nous ; mais, dans la vérité, dans la nature, c’est la femme qui révère profondément celui qu’elle a choisi pour son défenseur. — Oui, je le serai ton défenseur jusqu’au dernier jour de ma vie, s’écria lord Nelvil, le ciel m’en est témoin ! tant d’ame et tant de génie ne se seront