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CORINNE OU L’ITALIE.

saisir les rapports qui lient nos malheurs avec elle, frappent souvent l’imagination. Depuis mon enfance, j’ai toujours craint de demeurer en Angleterre ; hé bien ! le regret de ne pouvoir y vivre, sera peut-être la cause de mon désespoir ; et je sens qu’à cet égard il y a quelque chose d’invincible dans mon sort, un obstacle contre lequel je lutte et me brise en vain. Chacun conçoit sa vie intérieurement toute autre qu’elle ne paraît. On croit confusément à une puissance surnaturelle qui agit à notre insçu, et se cache sous la forme des circonstances extérieures, tandis qu’elle seule est l’unique cause de tout. Cher ami, les ames capables de réflexion se plongent sans cesse dans l’abîme d’elles-mêmes, et n’en trouvent jamais la fin ! — Oswald, lorsqu’il entendait parler ainsi Corinne, s’étonnait toujours de ce qu’elle pouvait tout à la fois éprouver des sentimens si passionnés, et planer, en les jugeant, sur ses propres impressions. — Non, se disait-il souvent, non, aucune autre société sur la terre ne peut suffire à celui qui goûta l’entretien d’une telle femme. —

Ils arrivèrent de nuit à Ancone, parce que lord Nelvil craignait d’y être reconnu. Malgré ses précautions, il le fut, et le lendemain matin