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CORINNE OU L’ITALIE.

nous recevrait, qui nous bénirait ! le veux-tu, chère amie ? et il la serrait contre son cœur avec violence. Corinne n’était pas moins attendrie et lui dit : — Fais ce que tu voudras de moi, enchaîne-moi comme une esclave à ta destinée ; les esclaves autrefois n’avaient-elles pas des talens qui charmaient la vie de leurs maîtres ? Eh bien, je serai de même pour toi, tu respecteras, Oswald, celle qui se dévoue ainsi à ton sort, et tu ne voudras pas que, condamnée par le monde, elle rougisse jamais à tes yeux. — Je le dois, s’écria lord Nelvil, je le veux, il faut tout obtenir ou tout sacrifier : il faut que je sois ton époux ou que je meure d’amour à tes pieds en étouffant les transports que tu m’inspires. Mais je l’espère, oui, je pourrai m’unir à toi publiquement, me glorifier de ta tendresse. Ah ! je t’en conjure, dis-le-moi, n’ai-je pas perdu dans ton affection, par les combats qui me déchirent ? Te crois-tu moins aimée ? — Et en disant cela, son accent était si passionné, qu’il rendit un moment à Corinne toute sa confiance. Le sentiment le plus pur et le plus doux les animait tous les deux.

Cependant les chevaux s’arrêtèrent ; lord Nelvil descendit le premier, il sentit le vent froid qui soufflait avec âpreté, et dont il ne s’aper-