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CORINNE OU L’ITALIE.

les lieux solitaires se revêtent des couleurs de la nuit, l’ame frissonne et s’attendrit tout à la fois en se trouvant seule avec la nature.

L’un des côtés de l’édifice est beaucoup plus dégradé que l’autre, ainsi deux contemporains luttent inégalement contre le temps : il abat le plus faible, l’autre résiste encore et tombe bientôt après. — Lieux solennels, s’écria Corinne, où dans ce moment nul être vivant n’existe avec moi, où ma voix seule répond à ma voix ! comment les orages des passions ne sont-ils pas apaisés par ce calme de la nature, qui laisse si tranquillement passer les générations devant elle ? l’univers n’a-t-il pas un autre but que l’homme, et toutes ces merveilles sont-elles là seulement pour se réfléchir dans notre ame ? Oswald, Oswald, pourquoi donc vous aimer avec tant d’idolâtrie ? Pourquoi s’abandonner à ces sentimens d’un jour, d’un jour en comparaison des espérances infinies qui nous unissent à la divinité ? Ô mon Dieu, s’il est vrai, comme je le crois, qu’on vous admire d’autant plus qu’on est plus capable de réfléchir, faites-moi donc trouver dans la pensée un asile contre les tourmens du cœur. Ce noble ami, dont les regards si touchans ne peuvent s’effacer de mon souvenir, n’est-il pas un être passager