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CORINNE OU L’ITALIE.

on ménagerait un ami que l’on craindrait d’affliger en l’éclairant, et que, sans s’en apercevoir, l’on met sa propre douleur sous la protection de sa propre pitié.

Le lendemain, Corinne qui était la personne du monde la plus naturelle, et ne cherchait point à faire effet par sa douleur, essaya de paraître gaie, de se ranimer encore, et pensa même que le meilleur moyen pour retenir Oswald était de se montrer aimable comme autrefois ; elle commençait donc avec vivacité un sujet d’entretien intéressant, puis tout à coup la distraction s’emparait d’elle, et ses regards erraient sans objet. Elle, qui possédait au plus haut degré la facilité de la parole, hésitait dans le choix des mots, et quelquefois elle se servait d’une expression qui n’avait pas le moindre rapport avec ce qu’elle voulait dire. Alors elle riait d’elle-même ; mais, à travers ce rire, ses yeux se remplissaient de larmes. Oswald était au désespoir de la peine qu’il lui causait : il voulait s’entretenir seul avec elle, mais elle en évitait avec soin les occasions.

— Que voulez-vous savoir de moi, lui dit-elle un jour qu’il insistait pour lui parler, je me regrette, et voilà tout. J’avais quelque orgueil de mon talent, j’aimais le succès, la gloire,