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CORINNE OU L’ITALIE.

l’ame pour un homme qui remplit ainsi sa longue vie ? Le peuple de Naples n’a d’autre idée du bonheur que le plaisir ; mais l’amour du plaisir vaut encore mieux qu’un égoïsme aride.

Il est vrai que c’est le peuple du monde qui aime le mieux l’argent ; si vous demandez à un homme du peuple votre chemin dans la rue, il tend la main après vous avoir fait un signe : car ils sont plus paresseux pour les paroles que pour les gestes ; mais leur goût pour l’argent n’est point méthodique ni réfléchi ; ils le dépensent aussitôt qu’ils le reçoivent. Si l’argent s’introduisait chez les sauvages, les sauvages le demanderaient comme cela. Ce qui manque le plus à cette nation, en général, c’est le sentiment de la dignité. Ils font des actions généreuses et bienveillantes par bon cœur, plutôt que par principes : car leur théorie, en tout genre, ne vaut rien, et l’opinion, en ce pays, n’a point de force. Mais lorsque des hommes ou des femmes échappent à cette anarchie morale, leur conduite est plus remarquable en elle-même et plus digne d’admiration que partout ailleurs, puisque rien, dans les circonstances extérieures, ne favorise la vertu. On la prend tout entière dans son ame. Les lois ni les mœurs ne récompensent ni ne punissent. Celui qui est vertueux,