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CORINNE OU L’ITALIE.

point été cultivé, elle se sert de ces expressions nobles et harmonieuses qui donnent tant de grâce aux moindres discours de notre peuple. C’était avec elle seulement que je parlais ma langue, et ce lien m’attachait à elle. Je la voyais souvent triste, et je n’osais lui en demander la cause, me doutant qu’elle regrettait, comme moi, notre pays, et craignant de ne pouvoir plus contraindre mes propres sentimens, s’ils étaient excités par les sentimens d’un autre. Il y a des peines qui s’adoucissent en les communiquant ; mais les maladies de l’imagination s’augmentent quand on les confie ; elles s’augmentent surtout, quand on aperçoit dans un autre une douleur semblable à la sienne. Le mal qu’on souffre paraît alors invincible, et l’on n’essaie plus de le combattre. Ma pauvre Thérésine tomba tout à coup sérieusement malade ; et, l’entendant gémir nuit et jour, je me déterminai à lui demander enfin le sujet de ses chagrins. Quel fut mon étonnement de l’entendre me dire presque tout ce que j’avais senti ! Elle n’avait pas si bien réfléchi que moi sur la cause de ses peines ; elle s’en prenait davantage à des circonstances locales, à des personnes en particulier ; mais la tristesse de la nature, l’insipidité de la ville où nous demeurions, la froideur de