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CORINNE OU L’ITALIE.

prendre l’air. Il désirait de m’épouser précisément parce qu’il ne se doutait pas des besoins de l’esprit ni de l’imagination, et que je lui plaisais sans qu’il me comprît. S’il avait eu seulement l’idée de ce que c’était qu’une femme distinguée, et des avantages et des inconvéniens qu’elle peut avoir, il eut craint de ne pas être assez aimable à mes yeux ; mais ce genre d’inquiétude n’entrait pas même dans sa tête : jugez de ma répugnance pour un tel mariage. Je le refusai décidément ; mon père me soutint ; ma belle-mère en connut un vif ressentiment contre moi : c’était une personne despotique au fond de l’ame, bien que sa timidité l’empêchât souvent d’exprimer sa volonté : quand on ne la devinait pas, elle en avait de l’humeur ; et quand on lui résistait après qu’elle avait fait l’effort de s’exprimer, elle le pardonnait d’autant moins, qu’il lui en avait plus coûté pour sortir de sa réserve accoutumée.

Toute la ville me blâma de la manière la plus prononcée. Une union aussi convenable, une fortune si bien en ordre, un homme si estimable, un nom si considéré ; tel était le cri général ! J’essayai d’expliquer pourquoi cette union si convenable ne me convenait pas ; j’y perdis ma peine. Quelquefois je me faisais comprendre quand je