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CORINNE OU L’ITALIE.

soit pressentiment soit orgueil, je fus extrêmement flattée par l’espoir de vous épouser. Vous étiez trop jeune pour moi, puisque j’ai dix-huit mois de plus que vous ; mais votre esprit, votre goût pour l’étude devançait, dit-on, votre âge, et je me faisais une idée si douce de la vie passée avec un caractère tel qu’on peignait le vôtre, que cet espoir effaçait entièrement mes préventions contre la manière d’exister des femmes en Angleterre. Je savais d’ailleurs que vous vouliez vous établir à Edimbourg ou à Londres, et j’étais sûre de trouver dans chacune de ces deux villes la société la plus distinguée. Je me disais alors, ce que je crois encore à présent, c’est que tout le malheur de ma situation venait de vivre dans une petite ville, reléguée au fond d’une province du nord. Les grandes villes seules conviennent aux personnes qui sortent de la règle commune, quand c’est en société qu’elles veulent vivre ; comme la vie y est variée la nouveauté y plaît ; mais dans les lieux oû l’on a pris une assez douce habitude de la monotonie, l’on n’aime pas à s’amuser une fois, pour découvrir que l’on s’ennuie tous les jours.

Je me plais à le répéter, Oswald, quoique je ne vous eusse jamais vu, j’attendais votre