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CORINNE OU L’ITALIE.

la verser sur le thé. — Ma chère, répondait l’autre, je crois que ce serait trop tôt ; car ces Messieurs ne sont pas encore prêts a venir. — Resteront-ils long-temps à table aujourd’hui, disait la troisième, qu’en croyez-vous, ma chère ?Je ne sais pas, répondait la quatrième, il me semble que l’élection du parlement doit avoir lieu la semaine prochaine, et il se pourrait qu’ils restassent pour s’en entretenir. — Non, reprenait la cinquième, je crois plutôt qu’ils parlent de cette chasse au renard qui les a tant occupés la semaine passée, et qui doit recommencer lundi prochain ; je crois cependant que le dîner sera bientôt fini. — Ah ! je ne l’espère guères, disait la sixième en soupirant, et le silence recommençait. J’avais été dans les couvens d’Italie, ils me paraissaient pleins de vie à côté de ce cercle, et je ne savais qu’y devenir.

Tous les quarts d’heure il s’élevait une voix qui faisait la question la plus insipide, pour obtenir la réponse la plus froide, et l’ennui soulevé retombait avec un nouveau poids sur ces femmes que l’on aurait pu croire malheureuses, si l’habitude prise dès l’enfance n’apprenait pas à tout supporter. Enfin les Messieurs revenaient, et, ce moment si attendu, n’apportait pas un grand changement dans la manière d’être des femmes :