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CORINNE OU L’ITALIE.

vous respecterez celle qui vous aime : vous le savez, une simple prière de vous serait toute-puissante ; c’est donc vous qui répondez de moi ; c’est vous qui me refuseriez à jamais pour votre épouse si vous me rendiez indigne de l’être. — Hé bien ! répondit Oswald, puisque vous croyez à ce cruel empire de votre volonté sur mon cœur, d’où vient, Corinne, d’où vient donc votre tristesse ? — Hélas, reprit-elle, je me disais que ces momens que je passais avec vous à présent étaient les plus heureux de ma vie : et comme je tournais mes regards vers le ciel pour l’en remercier, je ne sais par quel hasard une superstition de mon enfance s’est ranimée dans mon cœur. La lune que je contemplais s’est couverte d’un nuage, et l’aspect de ce nuage était funeste. J’ai toujours trouvé que le ciel avait une véritable physionomie, tantôt paternelle, tantôt irritée, et je vous le dis, Oswald, ce soir il condamnait notre amour. — Chère amie, répondit lord Nelvil, les seuls augures de la vie de l’homme, ce sont ses actions bonnes ou mauvaises ; et n’ai-je pas, ce soir même, immolé mes plus ardens désirs à un sentiment de vertu ? — Eh bien, tant mieux, si vous n’êtes pas compris dans ce présage, reprit Corinne ; en effet, il se peut que ce ciel orageux n’ait menacé que moi. —