Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
110
CORINNE OU L’ITALIE.

gueillit de ses progrès, s’élance dans l’avenir, notre ame semble regretter une ancienne patrie dont le passé la rapproche.

Les Romains, dont nous envions la splendeur, n’enviaient-ils pas la simplicité mâle de leurs ancêtres ? Jadis ils méprisaient cette contrée voluptueuse, et ses délices ne domptèrent que leurs ennemis. Voyez dans le lointain Capoue : elle a vaincu le guerrier dont l’ame inflexible résista plus long-temps à Rome que l’univers.

Les Romains à leur tour habitèrent ces lieux : quand la force de l’ame servait seulement à mieux sentir la honte et la douleur, ils s’amollirent sans remords. À Bayes on les a vus conquérir sur la mer un rivage pour leurs palais. Les monts furent creusés pour en arracher des colonnes, et les maîtres du monde, esclaves à leur tour, asservirent la nature pour se consoler d’être asservis.

Cicéron a perdu la vie près du promontoire de Gaëte qui s’offre à nos regards. Les triumvirs, sans respect pour la postérité, la dépouillèrent des pensées que ce grand homme aurait conçues. Le crime des triumvirs dure encore. C’est contre nous encore que leur forfait est commis.