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CORINNE OU L’ITALIE

dans ce pays : aucun lien ne vous y retient. Si vous partiez, tout serait dit, il ne me resterait de vous que ma douleur. Cette nature, ces beaux-arts, cette poésie que je sens avec vous, et maintenant, hélas ! seulement avec vous, tout deviendrait muet pour mon ame. Je ne me réveille qu’en tremblant ; je ne sais pas, quand je vois ce beau jour, s’il ne me trompe point par ses rayons resplendissans, si vous êtes encore là, vous, l’astre de ma vie. Oswald, ôtez-moi cette terreur, et je ne verrai rien au-delà de cette sécurité délicieuse. — Vous savez, répondit Oswald, que jamais un Anglais n’a renoncé à sa patrie, que la guerre peut me rappeler, que… — Ah ! dieu, s’écria Corinne, voudriez-vous me préparer ?… et tous ses membres tremblaient comme à l’approche du plus effroyable danger. — Hé bien, s’il est ainsi, emmenez-moi comme épouse, comme esclave… Mais tout à coup reprenant ses esprits, elle dit… Oswald, vous ne partirez jamais sans m’en prévenir, jamais, n’est-ce pas ? Écoutez : dans aucun pays, un criminel n’est conduit au supplice, sans que quelques heures lui soient données pour recueillir ses pensées. Ce ne sera pas par une lettre, ce sera vous-même qui viendrez me le dire, vous m’avertirez, vous m’entendrez avant de vous éloi-