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CONSIDÉRATIONS

péennes empêchoient presque de voir en elles des ennemis, sans qu’il fût possible cependant de les accueillir comme des alliés. La France, dans cet état, subit le joug des étrangers, pour ne s’être pas affranchie elle-même de celui de Bonaparte : à quels maux n’auroit-elle pas échappé, si, comme aux premiers jours de la révolution, elle eût conservé dans son cœur la sainte horreur du despotisme !

Alexandre entra dans Paris presque seul, sans garde, sans aucune précaution ; le peuple lui sut gré de cette généreuse confiance : la foule se pressoit autour de son cheval, et les François, si long-temps victorieux, ne se sentoient pas encore humiliés dans les premiers momens de leur défaite. Tous les partis espéroient un libérateur dans l’empereur de Russie, et certainement il en portoit le désir dans son âme. Il descendit chez M. de Talleyrand, qui, ayant conservé dans toutes les phases de la révolution la réputation d’un homme de beaucoup d’esprit, pouvoit lui donner des renseignemens certains sur toutes choses. Mais, comme nous l’avons dit plus haut, M. de Talleyrand considère la politique comme une manœuvre selon le vent, et les opinions fixes ne sont nullement à son usage. Cela s’appelle de