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CONSIDÉRATIONS

sidère comme le véritable héritier de cette maison. On se récrie sur la régularité du cérémonial en Angleterre : l’ancienneté d’un jour, en fait de nomination à la pairie, donne le pas sur un pair nommé quelques heures plus tard. La femme et la fille participent aux avantages de leur époux et de leur père ; mais c’est précisément cette régularité de rangs qui écarte les peines de la vanité ; car il se peut que le pair le plus moderne soit meilleur gentilhomme que celui qui le précède : il peut le croire du moins, et chacun se fait sa part d’amour-propre, sans que le bien public en souffre.

La noblesse de France, au contraire, ne pouvoit être classée que par le généalogiste de la cour. Ses décisions fondées sur des parchemins étoient sans appel ; et tandis que l’aristocratie angloise est l’espoir de tous, puisque tout le monde y peut parvenir, l’aristocratie françoise en étoit nécessairement le désespoir ; car on ne pouvoit se donner, par les efforts de toute sa vie, ce que le hasard ne vous avoit pas accordé. Ce n’est pas l’ordre inglorieux de la naissance, disoit un poète anglois à Guillaume III, qui vous a élevé au trône, mais le génie et la vertu.

En Angleterre on a fait servir le respect des