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WALSTEIN, ET MARIE STUART.

cester est avec Élizabeth : ainsi, toutes les passions de Marie sont à la fois excitées : elle se contient quelque temps ; mais l’arrogante Élizabeth la provoque par ses dédains ; et ces deux reines ennemies finissent par s’abandonner l’une et l’autre à la haine mutuelle qu’elles ressentent. Élizabeth reproche à Marie ses fautes ; Marie lui rappelle les soupçons de Henri VIII contre sa mère, et ce que l’on a dit de sa naissance illégitime : cette scène est singulièrement belle, par cela même que la fureur fait dépasser aux deux reines les bornes de leur dignité naturelle. Elles ne sont plus que deux femmes, deux rivales de figure, bien plus que de puissance ; il n’y a plus de souveraine, il n’y a plus de prisonnière ; et bien que l’une puisse envoyer l’autre à l’échafaud, la plus belle des deux, celle qui se sent la plus faite pour plaire, jouit encore du plaisir d’humilier la toute-puissante Élizabeth aux yeux de Leicester, aux yeux de l’amant qui leur est si cher à toutes deux.

Ce qui ajoute singulièrement aussi à l’effet de cette situation, c’est la crainte que l’on éprouve pour Marie à chaque mot de ressentiment qui lui échappe ; et lorsqu’elle s’abandonne à toute sa fureur, ses paroles injurieuses, dont les suites