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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

tions du cœur, Posa celui des vertus publiques ; l’un devroit être le roi, l’autre l’ami ; et ce déplacement même dans les caractères est une idée ingénieuse : car seroit-il possible que le fils d’un despote sombre et cruel fût un héros citoyen ? où auroit-il appris à estimer les hommes ? Est-ce par son père, qui les méprise, ou par les courtisans de son père, qui méritent ce mépris. Don Carlos doit être foible pour être bon, et la place même que son amour tient dans sa vie exclut de son âme toutes les pensées politiques. Je le répète donc, l’invention du personnage du marquis de Posa me paroît nécessaire pour représenter dans la pièce les grands intérêts des nations, et cette force chevaleresque qui se transformoit tout à coup par les lumières du temps en amour de la liberté. De quelque manière qu’on eût pu modifier ces sentiments, ils ne convenoient pas au prince royal, ils auroient pris en lui le caractère de la générosité ; et il ne faut pas que la liberté soit jamais représentée comme un don du pouvoir.

La gravité cérémonieuse de la cour de Philippe II est caractérisée d’une manière bien frappante dans la scène d’Élizabeth avec ses dames d’honneur. Elle demande à l’une d’elles