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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

princesse, fille de Henri II, quitte la France et la cour brillante et chevaleresque du roi son père pour s’unir à un vieux tyran tellement sombre et sévère, que le caractère même des Espagnols fut altéré par son règne, et que pendant long-temps la nation porta l’empreinte de son maître. Don Carlos, fiancé d’abord à ÉLizabeth, l’aime encore quoiqu’elle soit devenue sa belle-mère. La réformation et la révolte des Pays-Bas, ces grands événements politiques, se mêlent à la catastrophe tragique de la condamnation du fils par le père : l’intérêt individuel et l’intérêt public se trouvent réunis au plus haut degré dans cette tragédie.

Plusieurs écrivains ont traité ce sujet en France ; mais on n’a pu dans l’ancien régime le mettre sur le théâtre ; on croyoit que c’étoit manquer d’égards à l’Espagne que de représenter ce fait de son histoire. On demandait à M. d’Aranda, cet ambassadeur d’Espagne connu par tant de traits qui prouvent la force de son caractère et les bornes de son esprit, la permission de faire jouer une tragédie de don Carlos, que l’auteur venoit d’achever, et dont il espéroit une grande gloire : Que ne prend-il un autre sujet ? répondit M. d’Aranda. —