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DES BEAUX-ARTS EN ALLEMAGNE

pourpre dont elle est revêtue produisoit au moins autant d’effet que sa physionomie même ; souvent elle s’arrêtoit long-temps dans la même attitude, et chaque fois un peintre n’auroit pu rien inventer de mieux que le tableau qu’elle improvisoit ; un tel talent est unique. Cependant je crois qu’on réussiroit plutôt en Allemagne à la danse pantomime qu’à celle qui consiste uniquement, comme en France, dans la grâce et dans l’agilité du corps.

Les Allemands excellent dans la musique instrumentale ; les connoissances qu’elle exige et la patience qu’il faut pour la bien exécuter leur sont tout-à-fait naturelles ; ils ont aussi des compositeurs d’une imagination très-variée et très-féconde ; je ne ferai qu’une objection à leur génie, comme musiciens ; ils mettent trop d’esprit dans leurs ouvrages, ils réfléchissent trop à ce qu’ils font. Il faut dans les beaux-arts plus d’instinct que de pensée ; les compositeurs allemands suivent trop exactement le sens des paroles ; c’est un grand mérite, il est vrai, pour ceux qui aiment mieux les paroles que la musique ; et d’ailleurs l’on ne sauroit nier que le désaccord entre le sens des unes et l’expression de l’autre seroit désagréable : mais les Italiens,