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DE L’ART DRAMATIQUE

dans ses critiques suppose encore plus de philosophie que de connoissance de l’art. Lessing en général pensoit commue Diderot sur l’art dramatique. Il croyoit que la sévère régularité des tragédies françaises s’opposoit à ce qu’on pût traiter un grand nombre de sujets simples et touchants, et qu’il falloit faire des drames pour y suppléer. Mais Diderot dans ses pièces mettoit l’affectation du naturel à la place de l’affectation de convention, tandis que le talent de Lessing est vraiment simple et sincère. Il a donné le premier aux Allemands l’honorable impulsion de travailler pour le théâtre d’après leur propre génie. L’originalité de son caractère se manifeste dans ses pièces ; cependant elles sont soumises aux mêmes principes que les nôtres ; leur forme n’a rien de particulier, et quoiqu’il ne s’embarrassât guère de l’unité de temps ni de lieu, il ne s’est point élevé comme Goethe et Schiller à la conception d’un système nouveau. Minna de Barnhelm, Emilia Galotti et Nathan le Sage sont les trois drames de Lessing qui méritent d’être cités.

Un officier d’un noble caractère, après avoir reçu plusieurs blessures à l’armée, se voit tout à coup menacé dans son honneur par un procès