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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

doivent nécessairement altérer l’impartialité des jugements sur les ouvrages de l’art : sans doute, et je n’ai cessé de le répéter dans le cours de cet écrit, il est à désirer que la littérature moderne soit fondée sur notre histoire et sur notre croyance ; néanmoins il ne s’ensuit pas que les productions littéraires du moyen âge puissent être considérées comme vraiment bonnes. Leur énergique simplicité, le caractère pur et loyal qui s’y manifeste excite un vif intérêt ; mais la connoissance de l’antique et les progrès de la civilisation nous ont valu des avantages qu’on ne doit pas dédaigner. Il ne s’agit pas de faire reculer l’art, mais de réunir autant qu’on le peut les qualités diverses développées dans l’esprit humain à différentes époques.

On a fort accusé les deux Schlegel de ne pas rendre justice à la littérature française, il n’est point d’écrivains cependant qui aient parlé avec plus d’enthousiasme du génie de nos troubadours, et de cette chevalerie sans pareille en Europe, lorsqu’elle réunissoit au plus haut point l’esprit et la loyauté, la grâce et la franchise, le courage et la gaieté, la simplicité la plus touchante et la naïveté la plus ingénieuse ; mais les critiques allemands ont prétendu que les traits