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LES CRITIQUES A. W. ET F. SCHLEGEL

son cours public. Je n’attendois que de l’esprit et de l’instruction dans des leçons qui avoient l’enseignement pour but ; je fus confondue d’entendre un critique éloquent comme un orateur, et qui, loin de s’acharner aux défauts, éternel aliment de la médiocrité jalouse, cherchoit seulement à faire revivre le génie créateur.

La littérature espagnole est peu connue, c’est elle qui fut l’objet d’un des plus beaux morceaux prononcés dans la séance à laquelle j’assistai. W. Schlegel nous peignit cette nation chevaleresque dont les poëtes étoient guerriers, et les guerriers poëtes. Il cita ce comte Ercilla, « qui composa, sous une tente, son poème de l’Araucana, tantôt sur les plages de l’Océan, tantôt au pied des Cordillières, pendant qu’il faisoit la guerre aux sauvages révoltés. Garcilasse, un des descendants des Incas, écrivoit des poésies d’amour sur les ruines de Carthage, et périt à l’assaut de Tunis. Cervantes fut grièvement blessé à la bataille de Lépante ; Lopès de Vega échappa comme par miracle à la défaite de la flotte invincible ; et Calderon servit en intrépide soldat dans les guerres de Flandre et d’Italie.