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LES CRITIQUES A. W. ET F. SCHLEGEL

veut parler des jouissances des arts dont tous les hommes sont susceptibles, il faut s’appuyer toujours sur les impressions qu’ils ont reçues, et ne pas se permettre les formes abstraites qui font perdre la trace de ces impressions. Schiller tenoit à la littérature par son talent, et à la philosophie par son penchant pour la réflexion ; ses écrits en prose sont aux confins des deux régions ; mais il empiète trop souvent sur la plus haute, et revenant sans cesse à ce qu’il y a de plus abstrait dans la théorie, il dédaigne l’application comme une conséquence inutile des principes qu’il a posés.

La description animée des chefs-d’oeuvre donne bien plus d’intérêt à la critique que les idées générales qui planent sur tous les sujets sans en caractériser aucun. La métaphysique est pour ainsi dire la science de l’immuable ; mais tout ce qui est soumis à la succession du temps ne s’explique que par le mélange des faits et des réflexions : les Allemands voudraient arriver sur tous les sujets à des théories complètes, et toujours indépendantes des circonstances ; mais comme cela est impossible, il ne faut pas renoncer aux faits, dans la crainte qu’ils ne circonscrivent les idées ; et les exemples seuls, dans la