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HERDER

vent réunies. Un homme d’un génie aussi sincère que Herder devoit mêler la religion à toutes ses pensées, et toutes ses pensées à la religion. On a dit que ses écrits ressembloient à une conversation animée : il est vrai qu’il n’a pas dans ses ouvrages la forme méthodique qu’on est convenu de donner aux livres. C’est sous les portiques et dans les jardins de l’académie que Platon expliquoit à ses disciples le système du monde intellectuel. On trouve dans Herder cette noble négligence du talent toujours impatient de marcher à des idées nouvelles. C est une invention moderne que ce qu’on appelle un livre bien fait. La découverte de l’imprimerie a rendu nécessaires les divisions, les résumés, tout l’appareil enfin de la logique. La plupart des ouvrages philosophiques des anciens sont des traités ou des dialogues qu’on se représente comme des entretiens écrits. Montagne aussi s’abandonnoit de même au cours naturel de ses pensées. Il faut, il est vrai, pour un tel laisser aller la supériorité la plus décidée : l’ordre supplée à la richesse, et si la médiocrité marchoit au hasard, elle ne feroit d’ordinaire que nous ramener au même point, avec la fatigue de plus ; mais un homme de génie intéresse davantage quand il se montre