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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

génie ; les traits avec lesquels il caractérise les principaux personnages sont d’une étonnante supériorité, et toutes ses réflexions naissent du recueillement d’une âme élevée ; mais les Allemands reprochent à Schiller de n’avoir pas assez étudié les faits dans leurs sources : il ne pouvoit suffire à toutes les carrières auxquelles ses rares talents l’appeloient, et son histoire n’est pas fondée sur une érudition assez étendue. Ce sont les Allemands, j’ai souvent eu occasion de le dire, qui ont senti les premiers tout le parti que l’imagination pouvoit tirer de l’érudition ; les circonstances de détail donnent seules de la couleur et de la vie à l’histoire ; on ne trouve guère à la superficie des connoissances qu’un prétexte pour le raisonnement et l’esprit.

L’histoire de Schiller a été écrite dans cette époque du dix-huitième siècle où l’on faisoit de tout des armes, et son style se sent un peu du genre polémique qui régnoit alors dans la plupart des écrits. Mais quand le but qu’on se propose est la tolérance et la liberté, et que l’on y tend par des moyens et des sentiments aussi nobles que ceux de Schiller, on compose toujours un bel ouvrage, quand même on pourroit désirer dans la part accordée aux faits et aux ré-