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DES ROMANS.

resseroit les étrangers autant que les Allemands, et néanmoins rien de ce qu’il a publié ne peut sortir de l’Allemagne. Ses admirateurs diront que cela tient à l’originalité même de son génie ; il me semble que ses défauts en sont autant la cause que ses qualités. Il faut, dans nos temps modernes, avoir l’esprit européen ; les Allemands encouragent trop dans leurs auteurs cette hardiesse vagabonde qui, tout audacieuse qu’elle paroît, n’est pas toujours dénuée d’affectation. Madame de Lambert disoit à son fils : — Mon ami, ne vous permettez que les sottises qui vous feront un grand plaisir. — On pourroit prier J. Paul de n’être bizarre que malgré lui : tout ce qu’on dit involontairement répond toujours à la nature de quelqu’un ; mais quand l’originalité naturelle est gâtée par la prétention à l’originalité, le lecteur ne jouit pas complètement même de ce qui est vrai, par le souvenir et la crainte de ce qui ne l’est pas.

On trouve cependant des beautés admirables dans les ouvrages de J. Paul ; mais l’ordonnance et le cadre de ses tableaux sont si défectueux, que les traits de génie les plus lumineux se perdent dans la confusion de l’ensemble. Les écrits de J. Paul doivent être considérés sous deux points