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De la déclamation.

La manière dont Talma récite le monologue Suivant est sublime. L’espèce d’innocence qui rentre dans l’âme d’Oreste pour la déchirer lorsqu’il dit ces vers,

J’assassine à regret un roi que je révère,


inspire une pitié que le génie même de Racine n’a pu prévoir toute entière. Les grands acteurs se sont presque tous essayés dans les fureurs d’Oreste ; mais c’est là surtout que la noblesse des gestes et des traits ajoute singulièrement à l’effet du désespoir. La puissance de la douleur est d’autant plus terrible qu’elle se montre à travers le calme même et la dignité d’une belle nature.

Dans les pièces tirées de l’histoire romaine Talma développe un talent d’un tout autre genre, mais non moins remarquable. On comprend mieux Tacite après l’avoir vu jouer le rôle de Néron ; il y manifeste un esprit d’une grande sagacité ; car c’est toujours avec de l’esprit qu’une âme honnête saisit les symptômes du crime ; néanmoins il produit encore plus d’effet, ce me semble, dans les rôles où l’on aime à s’abandonner, en l’écoutant, aux sentiments qu’il exprime. Il a rendu à Bayard dans la pièce de du