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De la déclamation.

poésie, et par-dessus tout du langage de l’âme, voilà ses moyens pour développer dans celui qui l’écoute toute la puissance des passions généreuses ou terribles.

Quelle connoissance du cœur humain il montre dans sa manière de concevoir ses rôles ! il en est une seconde fois l’auteur par ses accents et par sa physionomie. Lorsque Œdipe raconte à Jocaste comment il a tué Laïus, sans le connoître, son récit commence ainsi : J’étois jeune et superbe. La plupart des acteurs, avant lui, croyoient devoir jouer le mot superbe, et relevoient la tête pour le signaler : Talma, qui sent que tous les souvenirs de l’orgueilleux Œdipe commencent à devenir pour lui des remords, prononce d’une voix timide ces mots faits pour rappeler une confiance qu’il n’a déjà plus. Phorbas arrive de Corinthe au moment où Œdipe vient de concevoir des craintes sur sa naissance : il lui demande un entretien secret. Les autres acteurs, avant Talma, se hâtoient de se retourner vers leur suite et de l’éloigner avec un geste majestueux : Talma reste les yeux fixés sur Phorbas ; il ne peut le perdre de vue, et sa main agitée fait un signe pour écarter ce qui l’entoure. Il n’a rien dit encore mais ses mouvements égarés trahissent le trouble