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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

comédie, et les Français ont, comme auteurs comiques, l’avantage sur toutes les autres nations. La connoissance des hommes et l’art d’user de cette connoissance leur assurent, à cet égard, le premier rang ; mais peut-être pourroit-on souhaiter quelquefois, même dans les meilleures pièces de Molière, que la satire raisonnée tînt moins de place et que l’imagination y eût plus de part. Le Festin de Pierre est parmi ses comédies celle qui se rapproche le plus du système allemand ; un prodige qui fait frissonner sert de mobile aux situations les plus comiques, et les plus grands effets de l’imagination se mêlent aux nuances les plus piquantes de la plaisanterie. Ce sujet aussi spirituel que poétique est pris des Espagnols. Les conceptions hardies sont très-rares en France ; l’on y aime, en littérature, à travailler en sûreté ; mais quand des circonstances heureuses ont encouragé à se risquer, le goût y conduit l’audace avec une adresse merveilleuse, et ce sera presque toujours un chef-d’œuvre qu’une invention étrangère arrangée par un Français.