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DE LA COMÉDIE

bourgeois de Paris le trouve, l’élève avec son propre fils, et se fait passer pour son père. À vingt ans, les inclinations héroïques du jeune prince le trahissent dans chaque circonstance, et rien n’est plus piquant que le contraste de son caractère et de celui de son prétendu frère, dont le sang ne contredit point l’éducation qu’il a reçue. Les efforts du sage bourgeois pour mettre dans la tête de son fils adoptif quelques leçons d’économie domestique sont tout à fait inutiles : il l’envoie au marché pour acheter des bœufs dont il a besoin ; le jeune homme, en revenant, voit dans la main d’un chasseur un faucon ; et, ravi de sa beauté, il donne les bœufs pour le faucon, et revient tout fier d’avoir acquis, à ce prix, un tel oiseau. Une autre fois il rencontre un cheval dont l’air martial le transporte : il veut savoir ce qu’il coûte, on le lui dit, et s’indignant de ce qu’on demande si peu de chose pour un si bel animal, il en paie deux fois la valeur.

Le prétendu père résiste long-temps aux dispositions naturelles du jeune homme, qui s’élance avec ardeur vers le danger et la gloire ; mais lorsqu’enfin on ne peut plus l’empêcher de prendre les armes contre les Sarrasins qui assié-