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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

balternes, prêtent beaucoup moins à ce genre. La majesté pompeuse du théâtre français peut seule rendre piquant le contraste des parodies. On remarque dans Shakespear, et quelquefois aussi dans les écrivains allemands, une façon hardie et singulière de montrer dans la tragédie même le côté ridicule de la vie humaine ; et lorsqu’on sait opposer à cette impression la puissance du pathétique, l’effet total de la pièce en devient plus grand. La scène française est la seule où les limites des deux genres, du comique et du tragique, soient fortement prononcées ; partout ailleurs le talent comme le sort se sert de la gaieté pour acérer la douleur.

J’ai vu à Weimar des pièces de Térence exactement traduites en allemand, et jouées avec des masques à peu près semblables à ceux des anciens ; ces masques ne couvrent pas le visage entier, mais seulement substituent un trait plus comique ou plus régulier aux véritables traits de l’acteur, et donnent à sa figure une expression analogue à celle du personnage qu’il doit représenter. La physionomie d’un grand acteur vaut mieux que tout cela, mais les acteurs médiocres y gagnent. Les Allemands cherchent à s’approprier les inventions anciennes et mo-