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DE LA COMÉDIE

nation. La gaieté peut tenir aux inspirations de la nature ou aux rapports de la société ; dans le premier cas, elle convient aux hommes de tous les pays ; dans le second, elle diffère selon les temps, les lieux et les mœurs ; car les efforts de la vanité ayant toujours pour objet de faire impression sur les autres, il faut savoir ce qui vaut le plus de succès dans telle époque et dans tel lieu pour connoître vers quel but les prétentions se dirigent : il y a même des pays où c’est la mode qui rend ridicule, elle qui semble avoir pour but de mettre chacun à l’abri de la moquerie, en donnant à tous une manière d’être semblable.

Dans les comédies allemandes, la peinture du grand monde est, en général, assez médiocre ; il y a peu de bons modèles qu’on puisse suivre à cet égard : la société n’attire point les hommes distingués, et son plus grand charme, l’art agréable de se plaisanter mutuellement, ne réussiroit point parmi eux ; on froisseroit bien vite quelque amour-propre accoutumé à vivre en paix, et l’on pourroit facilement aussi flétrir quelque vertu qui s’effaroucheroit même d’une innocente ironie.

Les Allemands mettent très-rarement en scène dans leurs comédies des ridicules tirés de leur propre pays ; ils n’observent pas les autres, en-