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PIÈCES DU THÉATRE ALLEMAND

un effet prodigieux s’il s’agissoit de personnages célèbres ; mais on a de la peine à concevoir des passions si violentes pour l’héritage d’un château sur le bord du Tibre. On ne sauroit trop le répéter, il faut pour la tragédie des sujets historiques, ou des traditions religieuses qui réveillent de grands souvenirs dans l’âme des spectateurs ; car dans les fictions, comme dans la vie, l’imagination réclame le passé, quelque avide qu’elle soit de l’avenir.

Les écrivains de la nouvelle école littéraire en Allemagne ont plus que tous les autres du grandiose dans la manière de concevoir les beaux-arts ; et toutes leurs productions, soit qu’elles réussissent ou non sur la scène, sont combinées d’après des réflexions et des pensées dont l’analyse intéresse ; mais on n’analyse pas au théâtre, et l’on a beau démontrer que telle pièce devroit réussir, si le spectateur reste froid, la bataille dramatique est perdue ; le succès, à quelques exceptions près, est dans les arts la preuve du talent ; le public est presque toujours un juge de beaucoup d’esprit quand les circonstances passagères n’altèrent pas son opinion. La plupart de ces tragédies allemandes, que leurs auteurs mêmes ne destinent point à la re-